Route, monuments, boutiques, habitations, jardins privés… La nuit, l’éclairage artificiel engendre une pollution lumineuse. Elle est néfaste à la biodiversité, la santé humaine et entraîne d’importantes consommations d’énergie. Il est possible de lutter contre la pollution lumineuse grâce à des mesures de politiques publiques, dont l’efficacité repose sur une bonne connaissance des sources de lumière.
En 2022, la Métropole du Grand Paris a acquis des images satellite Jilin de l’opérateur CG Satellite pour cartographier la Trame Noire et analyser l’impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité. Ces travaux ont été menés avec des experts des bureaux d'étude TerrOïko, DarkSkyLab et La TeleScop (cf. TrameNoireGrandParis). La Ville de Paris a souhaité utiliser ces données pour mieux identifier les sources de pollution lumineuse sur son territoire. Si l’éclairage public est très bien cartographié, il n’existe pas de base de données recensant l’éclairage privé. Le projet vise à cartographier précisément les sources lumineuses à partir d’images de nuit dans le domaine visible.
Crédits : CG Satellite/La Télescop/Métropole du Grand Paris
En comparant manuellement des points de contrôle aux images satellites, on observe sur certaines zones un décalage résiduel de plusieurs dizaines de mètres. Une réduction de ce décalage est nécessaire pour rendre possible l’identification des sources lumineuses.
La mission du Lab’OT du CNES ?
Produire une méthode de recalage automatique des images satellites nocturnes. Cela améliore la localisation absolue lorsque l’on ne dispose ni des modèles géométriques ni d’images de référence de nuit. En effet, les méthodes couramment utilisées pour les images de jour – qui consistent à rechercher des points d’appui dans une image de référence bien géolocalisée – ne sont pas applicables facilement sur les données nocturnes.
Le CNES a travaillé sur les images visibles de nuit fournies par la Métropole du Grand Paris. La constellation de satellites chinoise Jilin est, pour l’instant, l’une des rares à pouvoir fournir des images RVB nocturnes à une résolution de l’ordre du mètre. L’outil développé par le CNES, baptisé Night OSM Registration, permet d’affiner la localisation pour répondre aux besoins de la Ville de Paris.
L’image d’une ville la nuit ressemble à un plan de rues. En l’absence d’images de référence de nuit, le CNES a eu l’idée de s’appuyer sur la cartographie OpenStreetMap pour réaliser le recalage nocturne en milieu urbain.
Carte de la radiance totale de la ville de Paris. La palette de couleurs illustre différents niveaux de radiance. Crédits : CG Satellite/La Télescop/Métropole du Grand Paris
L’outil de recalage automatique d’images nocturnes développé par le CNES Night OSM Registration repose sur plusieurs étapes de traitement.
Première étape : L’image de radiance du satellite est binarisée, c’est-à-dire transformée en pixels noirs et blancs. Comme les rues sont éclairées, cette binarisation permet de retrouver les plans de rues.
Deuxième étape : Des éléments d’intérêts (bâtiments, forêts, plan d’eau, etc.) sont sélectionnés et extraits de la base OpenStreetMap sur la zone d’étude. Ils sont imprimés en négatif ou positif en fonction de leur luminosité la nuit pour recréer une carte nocturne OpenStreetMap. Ainsi, les ponts sont éclairés mais pas les cimetières par exemple. L’objectif est de créer une carte la plus proche possible de l’image de nuit satellite binaire créée à l’étape 1. Cette carte issue d’OpenStreetMap sert de référence géographique.
En haut, la carte binarisée de la radiance de la ville de Paris à partir des données satellites. En bas, la carte nocturne issue d’OpenStreetMap.
Crédits : CNES
Troisième étape : Les deux cartes binarisées sont découpées en tuiles (450m*450m). Au sein de chaque tuile, le décalage horizontal et vertical est calculé grâce à un algorithme de corrélation spectrale croisée qui identifie des motifs communs.
Quatrième étape : En interpolant ces décalages, deux grilles de recalage – horizontal et vertical – sont calculées automatiquement. Elles fournissent le décalage à appliquer pour chaque pixel.
Cinquième étape : Les grilles de recalage sont appliquées à l’image satellite de radiance pour la recaler.
En haut, carte de radiance totale avant. En bas, après recalage avec l’outil développé par le CNES.
Crédits : CG Satellite/La Télescop/Métropole du Grand Paris/CNES/OSM
Cet outil fonctionne en milieu urbain et pour des sources dont le décalage initial reste raisonnable (typiquement inférieur à 200 mètres).
Une fois la carte de radiance recalée, un masque du domaine public est appliqué (déduit de l'emprise du domaine privé disponible en libre accès) pour obtenir une carte de la pollution lumineuse dans le domaine privé.*
Pollution lumineuse dans le domaine privé de la ville de Paris. Crédits : CG Satellite/La Télescop/Métropole du Grand Paris/CNES/Ville de Paris
© CNES