L’enjeu est de taille. Avec l’évolution du climat, les arbres deviennent de plus en plus vulnérables face aux parasites. La chenille du Bombyx disparate en fait partie. L’espèce a été parmi les plus signalées comme insectes ravageurs de la forêt entre 1989 et 2006. Le papillon ne vit que quelques jours mais la chenille se nourrira de feuilles pendant plusieurs mois, avec une préférence pour le chêne.
Le Bombyx disparate vient tout d’abord du Japon ou de la Corée. Au cours de ces derniers siècles, l’espèce a été transportée vers l’ouest. On peut désormais en trouver partout en France. L’évolution de la population passe par des pics durant au maximum deux ans, au cours desquels la perte de feuilles qui en résulte peut être importante. Dans l’hexagone, la dernière grande pullulation a eu lieu entre 1990 et 1994. Le département du Lot a été particulièrement touché, avec des pullulations en 2011-2012 et 2019-2021. Les pics de pullulations sont généralement espacés d’une dizaine d’années.
Les chenilles ont tendance à voyager, toujours à la recherche d’arbre pour se nourrir. Ainsi, on peut avoir des pullulations à des endroits où il n’y a eu aucune ponte. La mission du Lab’OT du CNES était donc de cartographier les zones impactées par ces défoliations en 2020 et 2021, à l’aide des observations satellite Sentinel-2. Cet exemple s’inscrit dans l’œuvre du CNES de développer les usages des technologies et données spatiales au bénéfice des acteurs français, publics et privés.
Lymantria dispar (appelé Bombyx disparate sous sa forme papillon) est une chenille considérée comme un ravageur des forêts de feuillus
Le travail de cartographie repose sur les images prises à l’aide du satellite Sentinel-2 du programme Copernicus de la Commission Européenne. La résolution spatiale des satellites Sentinel est de 10 mètres (longueur d’un côté d’un pixel de l’image). Le large balayage proposé par ces satellites permet de couvrir le département. Autre avantage : Sentinel-2 couvre toute la surface de la Terre tous les 5 jours. Cela a permis au Lab’OT de disposer d’un suivi temporel des forêts du département du Lot suffisamment précis pour étudier les ravages et les migrations des chenilles du Bombyx disparate.
Grâce à l’imagerie infrarouge de Sentinel-2, l’équipe du Lab’OT a pu identifier et cartographier les zones forestières sur les clichés du satellite. En étudiants les images prises par le satellite au cours des années 2020 et 2021, le Lab’OT a étudié l’évolution de l’indice de végétation (NDVI) dans chacune de ses zones au cours du temps, et ainsi localisé celles où les arbres ont été défoliés. Un programme développé par le CNES inspecte la couleur de chaque pixel. A la fin, les zones défoliées sont mises en évidence. En définissant plusieurs seuils, on peut même vérifier l’intensité de la défoliation par pixel. Ces observations concordent avec celles faites sur le terrain, et les ont considérablement enrichi. Le travail fourni par le Lab’OT a permis de passer des études à l’échelle locale à une quantification des effets dans tout le département. Grâce à la précision de Sentinel-2 et à un suivi temporel à court et long terme, le Lab’OT a produit des statistiques communales.
En suivant l’évolution de l’indice de végétation au cours du temps, on peut également voir si une zone a été refoliée ou pas, c’est-à-dire si des feuilles ont repoussé après le passage du ravageur. Ainsi, on obtient une carte de l’intensité des ravages, mais aussi de la capacité des forêts à s’en remettre. Jusqu’à présent, les arbres en ont vu d’autres, et survivent au passage de la chenille du Bombyx disparate. Mais on peut s’inquiéter de l’affaiblissement des arbres au vu des changement climatiques en cours.
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