Les plages sont l'une des zones géologiques les plus dynamiques de la Terre. Les vagues, les marées et les tempêtes déplacent les sédiments, le sable, à une vitesse incomparable par rapport aux autres processus géologiques sur terre. Lors des tempêtes, le niveau du sable peut varier de l'ordre de plusieurs mètres, engendrant des risques de submersion marine ou rendant difficile l’accostage de bateaux. L'estimation de la profondeur des eaux littorales est alors essentielle. Un exemple est l'ouragan Irma, qui a touché l'île de Saint-Martin en Septembre 2017, détruisant une partie importante de l'infrastructure de l'île et l'accès à l'océan, utilisé pour livrer les fournitures d'urgence et évacuer les habitants avec des navires qui ont besoin de savoir où ils peuvent accoster.
La plage et la topographie sous-marine du littoral (bathymétrie) agissent comme un amortisseur, absorbant l'énergie des vagues de la tempête au moment de leur arrivée. Les tempêtes (extrêmes) arrivent souvent en séquence. La première tempête peut avoir un fort impact, en érodant la côte, ce qui rend les communautés plus exposées à la tempête suivante. L’estimation des bathymétries littorales permet l’actualisation des risques entre deux tempêtes, et fournit les informations nécessaires à une évacuation efficace.
Comme les tempêtes, le changement climatique a un impact sur les niveaux d'eau à la côte. L'estimation des profondeurs d'eau à proximité du littoral est essentielle pour contrôler l'adaptation naturelle de la côte et/ou l’impact des actions mises en œuvre (avec des infrastructures en dur ou le rechargement des plages).
Le climat agit à l’échelle globale. Une connaissance de la bathymétrie littorale mondiale peut aider à comprendre le comportement naturel de la zone côtière à grande échelle et le relier aux changements du niveau de la mer et/ou aux phénomènes climatiques tels que El Nino/La Nina.
Le CNES a pour mission de développer les usages des technologies spatiales au bénéfice des acteurs français publics et privés, notamment sur des questions primordiales concernant le changement climatique. Dans cette optique, le Lab’OT du CNES a développé plusieurs méthodes pour cartographier les fonds marins du littoral à plusieurs échelles spatiales.
Comment mesurer la profondeur du littoral par satellite ?
Les vagues sont générées en pleine mer, en eaux profondes, et se propagent jusqu'à ce qu'elles atteignent la côte. A l’approche du littoral, leur vitesse est directement liée à la profondeur du fond marin. Lorsque celle-ci diminue, la friction du fond ralentit la propagation des vagues qui se rapprochent les unes des autres.
Comment mesurer la vitesse des vagues ?
La vitesse est estimée en mesurant le déplacement de la vague entre deux instants. Une première solution est d’exploiter l’agilité de certains satellites, comme Pléiades par exemple, permettant d’acquérir plusieurs images successives. La seconde consiste à exploiter les décalages entre l’acquisition des différentes bandes spectrales d’une même image, comme sur les images du satellite européen Sentinel-2.
Les satellites Pléiades sont suffisamment agiles dans leurs manœuvres de positionnement pour pouvoir imager un site visé à plusieurs reprises au cours d’un seul survol.
Lorsqu’un satellite Sentinel-2 capture cette image d’un avion en train de se déplacer dans le ciel, il y a un léger décalage de bandes spectrales, qui s’illustre ici par un changement de position selon les couleurs sélectionnées. On peut en déduire la vitesse de l’appareil. Sentinel-2 est un satellite du programme Copernicus de l’Union Européenne.
Les bathymétries peuvent être estimées localement et à grande échelle. Les zones d'étude dépendent généralement de la disponibilité des données satellitaires : les satellites à la demande, tels que Pléiades, avec des images satellitaires à très haute résolution sont utilisés localement alors que Sentinel 2 fournit des données à l'échelle mondiale permettant d'estimer la bathymétrie localement et à grande échelle. Grâce au cluster haute performance du CNES et à la disponibilité des données Sentinel 2 dans un datalake, les bathymétries peuvent être estimées à l'échelle mondiale.
Une sélection de sites d’étude variés sert de zones de validation : Capbreton, delta de la Gironde, Duck (Caroline du Nord, Etats-Unis), Saint Louis (Sénégal) et le golfe de Guinée
Bathymétrie estimée partir de données Sentinel 2 sur la Baie du Bengale, particulièrement exposée aux risques côtiers.
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